Berlin – Jour 2

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Dimanche 15 mai 2011: Étant dans un état de grande fatigue et après une journée bien occupée hier (samedi), on a un peu récupéré et c’est vers 9:00h qu’on se lève, petit déjeuner simple et rapide durant lequel on planifie ce que l’on fera aujourd’hui. Après la grosse journée d’hier, il ne reste en fait qu’à approfondir les sites, visiter les différents musées et faire la visite guidée thématique de la journée, une visite de deux bunkers qui servaient à protéger la population lors des bombardements de la deuxième guerre et durant la guerre froide.

La compagnie qui fait visiter les bunkers, c’est berliner-unterwelten.de, une petite compagnie privée qui offre différents tours. On choisi le tour #1 « Les mondes obscurs, un bunker authentique de la Seconde Guerre mondiale ». Premièrement, heureusement que l’on était vraiment d’avance pour aller acheter les billets, car a eu beaucoup de difficulté à trouver la place. On ne peut pas acheter les billets d’avance et on doit se présenter le jour même. Les billets sont achetés, on a 2 heures à tuer avant le début de la visite, on va donc visiter le marché aux puces pas trop loin.

Brigitte nous guide aujourd’hui pour arriver dans un grand parc avec une barrière où plusieurs vélos sont accrochés, où se pressent des dizaines de personnes, on doit être arrivé. C’est effectivement là, ça a l’air de rien, des tables chambranlantes, des petits toits en morceau de bois recouvert de plastic, ça n’a rien à voir avec le marché aux puces St-Martin de Laval ou n’importe quel autre commerce que l’on connait. C’est plutôt un bric-a-brac dans un terrain vague, disons que ça ressemble à un mega vide grenier. Mais quand même, c’est la place pour trouver tout et n’importe quoi en ce dimanche. Les gens cherchent, fouillent, achètent et se promènent. Il y a énormément de monde, regardez la vidéo et vous comprendrez.

En résumé, c’est une fouillis où on peut trouver autant des vêtements faits de façon artisanale que des vêtements de seconde main. Il y a de l’artisanat pur comme de la couture, de la verrerie et aussi de la brocante, c-a-d des vieux items, des vides grenier, du stock de restant de vente de garage, des restants de lignes de produit et aussi un peu de petits détaillants de nourriture maison. On se laisser même tenter par un kiosque qui vend de longues pizza à la viande et tomate avec une petite salade. On ira manger cela dans un parc avoisinant, vraiment très bon et surtout assez soutenant pour notre visite de cet après-midi.

On n’a donc plus de temps à perdre… il faut retourner à notre point de départ pour ne pas manquer notre tour. On arrive 5 minutes d’avance, il y a déjà 25 personnes qui attendent. On suit le guide qui nous conduit à l’entrée d’un bunker. C’est évidemment fermé, mais il y a une affiche devant, car les habitants doivent être au courant où est le bunker, car lors de bombardement ou d’une alerte, il faillait que la population sache où aller. On aura droit dans la première salle au bla bla de base, pas de photo, suivez le groupe, poser des questions, ne capotez pas quand la porte blindée se referme derrière vous.

Voici l’histoire du bunker que nous visitons. Il a été construit lors de la construction du métro et servait en fait d’espace de stockage pour le matériel, la nourriture et de repos pour les travailleurs du métro. Le métro, que l’on entend très bien passe juste au dessous de nous et fait vibrer tout l’espace. Suite à la fin de la deuxième guerre mondiale, c’est la guerre froide entre les russes et le reste du monde qui s’installe et la menace de bombe nucléaire fait vivre tous les européens et les américains dans la peur de bombardement. C’était tellement réel pour les Berlinois, qu’ils ne se demandaient pas s’ils allaient être bombardés, mais plutôt quand. Les dirigeants devaient rassurer la population et c’est à ce moment là qu’ils ont reconverti cet espace en bunker. Ce qui est tout à fait farfelu quand on sait que si une bombe nucléaire russe (ou américaine) tombait sur Berlin ou n’importe où en Allemagne, étant donné que l’Allemagne était divisée entre Russe, Américain, Anglais et française), la bombe et/ou la radiation allait tuer des compatriotes, ce qui était absolument inacceptable. Jamais aucune bombe nucléaire n’a été utilisée! Heureusement!

L’espace est fait de façon à ce qu’aucun corridor ne soit en ligne droite, ce qui fait que si une bombe explose, elle devra perforer plusieurs murs et l’explosion perdra de plus en plus de force jusqu’à arrêter ce qui protègerais les gens dans les différentes pièces. Notre guide, toujours très drôle, nous pose plein de questions/réponses. A la question, combien de temps pouvons-nous rester dans ce bunker pour nous protéger suite à une éventuelle hypothétique explosion atomique ? réponse (de moi) deux semaines….. notre guide rit et me dit « très optimiste ». La réponse est 2 jours au maximum, après tout le monde dehors et on recommence la vie. Sachant très bien que les retombées radioactives et la destruction quasi intégrale de tout dans un rayon de 25 kilomètres, on aurait peut-être dû mourir lors de l’explosion.

C’est un « gros » groupe de 1300 personnes maximum qui aurait pu être « sauvé » dans ce bunker. Avec les quelques autres bunkers, il y aurait sur 2 millions de civils en Allemagne que 0.8 % des personnes sauvées. Ri-di-cu-le, les gens voyaient les bunkers comme quelque chose que la ville, leur pays faisait pour les sauvegarder d’une attaque nucléaire, mais n’avaient absolument aucune idée de l’inutilité et surtout du peu de chance d’être dans le 0.8% de personnes sauvées. Les gens ne savaient pas cela dans le temps, heureux les innocents!

Il n’y avait pas vraiment d’organisation ni de gestion de bunker en période de crise et c’était supposément autogéré. Sur le 1300 personnes, il devait avoir assez des gens formés pour faire la sécurité à l’entrée et gérer la quantité de monde qui doit entrer (armée, policier, pompier). Ensuite, les psychologues ou les travailleurs sociaux s’occuperaient des crises et de calmer la population. Les docteurs, qui étaient appelés avant tout le monde avaient priorité, mais étaient aussi accueillis comme premier arrivé, premier sauvé. A la fin, les ingénieurs et mécaniciens seraient ceux qui feraient marcher les divers systèmes électroniques et de ventilation.

Pour vous prouver comment c’était farfelu, la ventilation fonctionnait non pas avec une génératrice, non pas solaire ou éolienne, mais était simplement connectée sur le courant normal. Toutefois, lors de l’explosion d’une bombe, les chances que les centrales électriques fonctionnent encore sont vraiment mince. Il y avait tout de même un plan B, on faisait fonctionner le système de ventilation à la main. C’était prévu que les 1300 personnes, hommes, femmes, enfant, vieillards devaient, pour que le système fonctionne, actionner un moulinet pendant 10 minutes. Une action qui permettait tout juste à l’air du dehors d’être refroidie, filtrée, épurée de la radioactivité et envoyée dans les divers conduits. 10 minutes de travail forcené, un maximum d’effort, pour seulement survivre. Dès les premières heures, les gens exerçant cette activité auront très très chaud et la température à l’intérieur du bunker serait au minimum de 40 degrés avec 100% d’humidité ce qui ferait que la sueur et la condensation tomberait du plafond. Après deux jours à vivre dans ces conditions sans nourriture et avec 4l d’eau / personne, le système de ventilation est saturé de radiation et il faut évacuer le bunker. Il était prévu que les gens sortiraient alors du bunker, traverseraient la rue (jonchée de débris et de poussières radioactives) et iraient dans des autobus qui les transporteraient à l’aéroport pour les envoyer dans un autre pays plus sur. C’est bien mais d’où viennent ces autobus, est-ce-que l’aéroport existe encore, y a-t-il encore des avions, de l’essence, etc? Autant de détail que les gens ne pensaient pas et que les autorités n’avaient pas prévu non plus. Il valait mieux qu’il n’y ai pas de bombe, car leur plan aurait vite été prouvé pas très efficace.

Autre détail, le bunker aurait pu survivre à l’explosion d’une bombe nucléaire de une mégatonne qui aurait explosé à 16 kilomètres de là. On sait très bien que durant la guerre, la Russie et les États-Unis avaient des bombes de 100 mégatonnes et pas juste une! Donc, très beau bunker, mais complètement inutile.

On se dirige ensuite en prenant le métro, une station plus loin, et on débarque à Pankstrasse, une station de métro, qui est en elle-même convertible en bunker. Le métro s’y arrêterait, alignerait ses portes avec des portes dans le mur et les gens entreraient dans le bunker, un immense complexe sur 4 étages pouvant héberger 3300 personnes (encore tellement peu). Les entrées du métro seraient fermées avec de grosses portes hermétiques afin de bloquer les radiations provenant de l’extérieur. On passe à travers des différents endroits où des chaises, des lits et des simili douches sont installées. C’était plus pour faire comme à la maison que étant vraiment utile. Ce bunker lui par contre a été conçu avec des génératrices du même type de ceux des sous marins. Le bunker est réellement entretenu, et le matériel y est stocké et renouvelé. Il y a seulement 2 stations qui sont semblables et convertibles en bunker. Cette station/bunker pouvait avec la nourriture et l’eau qui y est entreposé faire survivre les gens 2 semaines au maximum. Ils auraient eu droit à de la goulache et de la soupe aux pois tous les jours!

Donc, si tu réussis à te rendre dans un bunker, que tu n’es pas irradié, que tu survis à deux semaines de bouffe rationnée, que tu ne meurs pas d’une maladie que tu aurais attrapée par la proximités des autres rescapés, que pas de violence n’éclate dans le bunker, que tu n’es pas tué par un fou à l’intérieur, que tu ne te suicides pas à cause du manque d’avenir à la sortie où que toute ta famille est morte, après deux semaines, il y aura les autobus « magiques » qui t’apporteront à l’aéroport pour le reste de ta future vie. Si j’avais écris un film avec ce scénario, je me serais fait traiter de fou, et ce qui est pire, c’est qu’ici c’est la réalité!

Pour terminer, notre guide Slôn Davies, nous explique que le petit vert hopital, malade qui recouvre tous les murs des bunker est la couleur qui apaise et donne le moins envie de se suicider. Le porte des toilettes et des douches ne sont que des rideaux pour pouvoir avoir accès à n’importe quel temps aux personnes qui « s’enfermeraient » dans la toilette pour se suicider. Tous les conduits de ventilation ne sont soutenus que par le petit encrage qui fait que si quelqu’un voulait se pendre, les encrages lâcheraient. Que de bonnes inventions pour garder nos rescapées d’une bombe nucléaire en vie. Il y avait même 60 lits pour bébé, en prévision des accouchements possible dans ces deux semaines. Quelle est la chance qu’il y ait 60 femmes enceintes qui aient été capable de rallier les bunkers, se faufiler parmi la foule qui s’agglutinait aux portes et finalement accoucher d’un bébé en pleine santé dans un espace si peu accueillant, mais bon, vaut mieux prévenir que guérir.

Suite à ces 90 minutes très instructives, on continue notre visite à pied sur les traces de la visite d’hier. Premier arrêt, le Reichstag, le parlement avec la superbe coupole de verre. A l’entrée, il y a un super contrôle. Tous les gens qui entrent ont un badge, sont scannées et vérifiées par la police. On se fait dire qu’il fait faire la demande au moins une semaine à l’avance pour être sur la liste. On n’est pas sur la liste, pas de chance, on ne verra pas l’intérieur! NEXT! On passe à la visite du mussé du mémorial aux juifs assassinés d’Europe et du centre d’information sous le mémorial. C’est une histoire des familles juives d’Europe, leur vie avant, pendant et après la guerre, des lettres trouvées de personnes déportées.

[Photos de Berlin – Dimanche partie 1]

A l’entrée, il y a une ligne historique où un résumé des événements marquants de l’avant-guerre, de la guerre et de la fin du conflit est affiché. Si vous n’avez pas lu le récit historique (post précédent), voici l’essentiel de mes notes. 1933-1937-Le parti national socialiste (nazi) veut que le juifs soit exclus de tous postes importants. 1938-le Pogrom, la destruction de tous les commerces juifs, la nuit de cristal. 1939-début de la guerre, 1 septembre 1939 attaque de la Pologne, dignitaire catholique, Polonais, juifs sont victime d’exécutions. Les gypsi et les homosexuels sont aussi opprimés. 1940-Émigration forcée des Juifs et non Allemands de l’Allemagne qui s’agrandit. Déportations, exécutions et créations des ghettos juifs à Varsovie (Pologne). Terribles conditions de vie, hygiène exécrable et plusieurs personnes meurent de maladie, malnutrition et d’infections. 1941-Allemagne attaque l’URSS le 22 juin. A la fin de 1941, 500 000 juif soviétiques sont déjà morts dans les camps de concentration à cause des travaux forcés. Le génocide commence. Été 1941, meurtre dans des camions mobiles d’extermination. Les ghettos sont vidés et durant le transport, les juifs sont gazés dans les camions et disposés dans des fosses communes. 150 000 à 320 000 personnes furent ainsi exterminées. 1942-la solution finale est discutée et mise en marche. Pour pouvoir exécuter 11 millions de personnes, des Juifs et d’autres prisonniers de toute l’Europe. 8 mai 1945, fin de la guerre, de 5.4 a 6 million de personnes ont été exécutées dans les camps de concentration. Il ne faut jamais que le monde oublie ça.

Ouf, ce n’est pas rigolo comme visite, mais ça permet d’en savoir plus et surtout de mieux comprendre la honte des Allemands d’après guerre et aussi de la persécution des juifs. Je n’entrerai pas dans la discussion sur Israël et la Palestine, j’ai des amis qui ne seraient pas contents. Mais au final, il y a eu des injustices qui ne doivent en aucun cas être réparées par d’autres injustices. En tout temps sur la terre, il y a 17 guerres, civiles, militaires où des gens meurent à tous les jours, des armées se battent, des villes sont bombardées. La fin de la deuxième guerre mondiale est en aucun cas la fin DES guerres, c’est juste la fin de la plus grosse. La guerre est présente, se vie et est une réalité pour plusieurs peuples dans le monde, aujourd’hui!

Bon assez de « préchi-précha », on continue notre tour pour aller visiter le musée en plein air « La Topographie de la Terreur » situé sur le site des bâtiments qui, au cours du régime nazi de 1933 à 1945, ont été le siège de la Gestapo et la SS , les principaux instruments de la répression pendant l’ère nazie. On peut y voir encore les vestiges des cellules où Himmler a fait incarcérer et torturer plus de 10 000 personnes pour avoir des informations. Les gens étaient encouragés à espionner ses voisins et dénoncer tous actes non patriotiques. Être gai, handicapé, fréquenter une juive, ne pas penser comme Hitler ou être un gypsi était considéré comme une traîtrise et encourait la peine de mort. Au sortir de la guerre le ministère avait des fiches d’information sur 1/3 de la population. Assez intéressant, beaucoup de photos d’époque et de textes qui expliquent le système de répression et de gestion en temps de guerre. Il y a autant de photos et de vidéos de cette guerre parce que Hitler voulait garder trace de sa guerre et montrer aux gens à quel point il était fort et puissant, alors il a demandé à ce que le plus de moments soient capturés pour le futur.

Notre suite de promenade nous mène à la place des églises jumelles, place gendarmemarket, où encore, on ne pourra entrer ni visiter l’église, vraiment pas chanceux! Même sur l’île, le Berliner Dom, la plus grande église de Berlin, la plus belle aussi est fermée, surtout réservée à ceux qui assistent au concert. On n’a pas de billet et les 3 gros gardes nous laissent dehors. Il est grand temps de prévoir notre retour, 30 minutes de train pour l’aéroport, 30 minutes pour manger un sandwich rapido et on fait la ligne pour passer l’enregistrement. On est fin prêt pour notre retour, l’avion est plein à craquer et notre vol, comme à l’habitude se passe sans problème. On arrive à Genève, prend l’autobus et retourne à la maison, assez tôt pour vider les sacs et se préparer pour la semaine de travail à venir.

Nous avons passé deux superbes journée dans une ville où il y a beaucoup à voir. On a vraiment parcouru plusieurs kilomètres à pied, mais on a, je crois, surtout beaucoup appris. Ce n’est pas évident pour les Allemand d’être fier d’être Allemand, d’ailleurs ce n’est que récemment qu’ils ont recommencé à présenter leur drapeaux lors d’événements importants. Leur histoire les a un peu salis. C’est tellement pas tout le monde que l’on peut rendre responsable des atrocités de la guerre. En temps de guerre, les gens font des choses qu’ils ne feraient pas pour sauver leur peau. Au final, on est un peu moins ignorant de notre histoire et surtout on va réécouter les six épisodes de Apocalypse avec un intérêt renouvelé et un oeil plus critique. Berlin, contrairement à d’autre ville, ce n’est pas un coup de coeur, ni même un top 10, mais c’est un livre d’histoire à ciel ouvert où tu vis l’histoire plus que tu ne la vois, car la majorité des édifices, après 5 ans de bombardement ont été reconstruits à neuf ou détruits.

Personnellement, j’aime mieux les châteaux, les vignobles et la marche en montagne. On sera servi sur ce plan dans nos prochains voyages. A Berlin, c’était la pause historique… Je sais, j’ai pris 4 pages de notes, j’ai écris des posts incroyablement longs. C’est tellement pas dans mon habitude, mais j’espère que vous avez apprécié l’effort de recherche et l’investissement de temps pour essayer de vous parler d’une ville, d’une époque et d’un pays qui vaut la peine d’être connu. Sur ce, au plaisir de vous raconter nos prochains périples, mais je crois que je vais me concentrer plus sur les photos, Brigitte prendra le relais des prochains textes qui seront surement plus légers et plus agréables à lire.

MAM

[Photos de Berlin – Dimanche partie 2]
[Photos de Berlin – PSD et panoramiques]
[Vidéo de Berlin, 12:02 minutes]


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